Le camerounais David Simo est l’un des intellectuels africains de premier plan…
…et la renommée de l’universitaire traverse les frontières de son Cameroun, de son Afrique natale. On le connait notamment en Allemagne. Mais lorsqu’ils évoquent son nom, les allemands, dont il est très proche, parlent du professeur camerounais avec bienveillance, en le qualifiant de « Brückenbauer ».
Le terme allemand « Brückenbauer » est un compositum. Sa formation est le fait de la combinaison de deux termes distincts : « Brücke(n) » (pont[s]) et « Bau(er) » (construct-ion[eur]).
Ainsi, le terme « Brückenbauer », si on le traduit de façon simple et littérale, signifie « constructeur de ponts » ou « celui-là qui construit des ponts », qui est en train d’en construire un ou qui a déjà eu à le faire.
Seulement, David Simo n’est rien de tout ça. Il n’est ni spécialiste de ponts, comme le nom semble le sous-entendre – « Brücke(n)Bauer » ; ni ingénieur de bâtiments ni de travaux publics.
Et pourtant c’est ce qualificatif sincère et spontané – « Brückenbauer » – que les allemands choisissent pour décrire l’action du camerounais. Mais pourquoi le font-ils ? Pourquoi l’appellent-ils ainsi et pas autrement, lui dont ils connaissent pourtant bien les qualifications et le parcours ?
On peut exclure qu’il s’agisse ici d’une caractérisation hasardeuse et inexacte, qui ne correspondrait pas avec la réalité. Car les officiels allemands n’oseraient tout de même pas se tromper sur les qualifications du détenteur de l’Ordre du Mérite de la République Fédérale d’Allemagne, la plus haute distinction du pays, décernée par le Président Fédéral en personne, ou en son nom.
« Je me vois comme un frontalier entre les cultures »
En réalité, les allemands emploient le terme « Brückenbauer » pour désigner tout autre chose qu’un simple constructeur de pont. Dans son usage courant, ce terme emprunte son sens du mot « pontifex » (en français pontife) ou plus précisément de « Pontifex Maximus » du latin ecclésiastique, et désigne plutôt un facilitateur, une sorte de courroie de transmission entre deux entités, deux mondes.
Et « Brückenbauer » désigne ainsi un médiateur, un frontalier entre deux mondes qu’il rapproche, dont il facilite la compréhension par son action.
On peut en conclure que si les allemands se plaisent à appeler le camerounais David Simo « Brückenbauer » c’est parce qu’ils voient en l’action de l’universitaire un élément facilitateur leur permettant de comprendre le Cameroun, et permettant aux camerounais qui le désirent de comprendre l’Allemagne.
David Simo se voit lui-même dans cette posture. Entre son Cameroun natal et l’Allemagne, qu’il connait bien, il sert d’intermédaire. Il est un « frontalier entre les deux cultures », déclare-t-il dans une interview accordée en 2001 au magazine allemand « Der Spiegel » – « Je me vois comme un frontalier entre les cultures ».
Le germaniste comparatiste
David Simo est un germaniste de formation. La littérature allemande est son domaine de recherche. Il la maitrise parfaitement et est devenu, au fil des années, l’un de ses fins connaisseurs dans le monde francophone.
Mais autant il maitrise la littérature allemande, autant est-il bien instruit de la littérature africaine. Et c’est en la comparaison des deux littératures, la littérature allemande et la littérature africaine, que consiste son expertise. Aussi est-il germaniste, africaniste et comparatiste.
Il fait sa thèse, qu’il soutien en 1979, à l’université de Metz (Nord-Est de la France). Il y compare l’approche littéraire des auteurs anti-fachistes européens à celle des auteurs africains engagés dans la mouvance anticolonialiste.
Son habilitation suivra 12 ans plus tard à l’université d’Hanovre, au Nord de l’Allemagne. Son thème : « Interculturalité et expérience esthétique : Recherches sur de l’œuvre d’Hubert Fichte » (Interkulturalität und ästhetische Erfahrung: Untersuchungen zum Werk Hubert Fichtes).
Ce travail impressionne par la rigueur de la démarche, la clarté et la finesse de l’argumentation. Il est à la fois du domaine de la germanistique, de l’africanistique, des sciences culturelles, mais aussi de l’ethnographie à certains égards.
David Simo dirige aujourd’hui le Centre pour la Coopération Scientifique entre l’Afrique et l’Allemagne (Zentrum für Deutsch-Afrikanische Wissenschaftskooperation), dont il impulsa la création en 2011.
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