Le Président camerounais n’a jamais fait mystère de son attachement à sa « haute fonction ». Il ne cache pas, montre à qui veut voir les « fruits » de son ascension au sein des meubles de l’État du Cameroun : Villégiatures en Europe, en Suisse, hôtels et boutiques de luxes…etc. Rien n’est assez cher, rien assez beau, assez somptueux pour le Président et pour les membres de sa famille proche.
Ecœurés par cette situation, des députés du Grand Conseil de la ville de Genève avaient en 2020 essayé, quoiqu’en vain, de faire déclarer Paul Biya « persona non grata » dans cette ville où il résidait régulièrement, loin de son pays, loin de ses responsabilités, et où il se plaisait à rédiger ses « hautes instructions » à l’endroit de ses collaborateurs.
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Ses ruses et ses détours ne semblent plus l’aider
Seulement, quiétude et confort politiques ne sauraient être éternels pour le Président d’un pays de plus 30 millions d’habitants, dont une large majorité vie en dessous du seuil de pauvreté.
C’est cette douloureuse expérience de la déchéance, qui est dans l’essence de tout pouvoir dictatorial, que fait désormais le Président camerounais.
Ses ruses et ses détours ne semblent plus l’aider. Autrefois il pouvait pourtant compter sur la crédulité de ses citoyens. Il suffisait notamment de jouer sur le temps ou de faire par exemple circuler la rumeur de la propre mort, et de « réapparaitre » quelques temps plus tard, pour faire oublier les frustrations amassées contre lui au sein de la population.
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Mais rien de marche plus en effet. Paul Biya est plus que jamais sous pression. Deux principales exigences sont sur sa table, à savoir : 1) la résolution du conflit armé dans les Régions anglophones; 2) la réforme consensuelle d’un système électoral particulièrement cynique.
#1) La résolution de la crise anglophone
Depuis 2016, les régions d’expression anglaise du Cameroun, le nord-ouest et le sud-ouest, sont en crise. Le gouvernement a eu, dès le début de la crise, une approche particulièrement dure et violente.
« La riposte dure et violente des forces de sécurité camerounaises a conduit à une radicalisation accrue des anglophones. », affirme Juliette Paauwe, analyste et chercheuse au Centre mondial pour la responsabilité de protection (GCR2P).
Ce qui fut au début une simple manifestation d’avocats et d’enseignants qui réclamaient un meilleur usage de l’anglais, s’est enlisé et est devenu un conflit armé.
Le conflit oppose les forces gouvernementales à différents groupes séparatistes. Ces derniers réclament l’indépendance des régions anglophones qu’ils appellent « Ambazonie ».
« La situation au Cameroun est dramatique », déclare Juliette Paauwe. Les forces de sécurité, dit-elle, auraient perpétré des exécutions extrajudiciaires, incendié des villages dans les régions anglophones.
Ils auraient soumis à la torture et à des traitements dégradants des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les séparatistes.
Mais « les groupes armés séparatistes ont également commis des exactions, notamment des enlèvements et des meurtres de civils. », poursuit Juliette Paauwe.
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Face à cette situation désastreuse, plusieurs camerounais, anglophones comme francophones, exigent aujourd’hui du Président Biya la résolution pacifique de cette guerre civile.
#2) La réforme consensuelle du système électoral
« Depuis le retour du multipartisme au Cameroun dans les années 1990, toutes les élections organisées ont été, selon les partis politiques de l’opposition et de nombreux observateurs nationaux et internationaux, entachées de nombreuses irrégularités parmi lesquelles figure en bonne place la fraude », peut-on lire dans une publication intitulée : « PRÉVENIR ET LUTTER CONTRE LA FRAUDE ÉLECTORALE AU CAMEROUN », de l’ONG Friedrich Ebert Stiftung.
Propice à toutes sortes de fraudes, le système électoral camerounais, dans l’état actuel, ne permettra pas au pays de connaître une alternance pacifique à sa tête. Aussi, est-il urgent de le réformer.
Les États-Unis et l’Union Européenne ont à plusieurs reprises relevé l’importance d’une réforme consensuelle du sytème électoral aux fins de préserver la stabilité politique et sécuritaire du Cameroun.
Cette préoccupation des partenaires du Cameroun est par ailleurs partagée par des acteurs internes tels que ELECAM (la commission chargée de l’organisation de l’élection) et l’opposant Maurice Kamto, le leader camerounais Pro-Démocratie. MN
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