OPINION – Le cas de Jean-François Mbaye, pour ceux et celles qui pouvaient penser le contraire, n’est nullement atypique. Il ne fait que contredire la thèse selon laquelle : il ne saurait exister de nos jours de jeunes gens d’origine africaine, qui voudraient encore défendre la France et ses intérêts sur le Continent avec abnégation et courage.
Que cela soit cependant dit : Il n’est en soit nullement interdit à un ressortissant africain de travailler ou de s’engager pour les intérêts objectifs d’une patrie à laquelle il doit notamment son éducation et son parcours.
Bien au contraire. C’est son devoir que de considérer cette nouvelle terre, cette nouvelle patrie comme la sienne; ses habitants comme ses compatriotes, les intérêts de ce pays comme les siens.
Toutefois, il existe une condition que cet engagement doit remplir au préalable. Elle est juste et valable partout. Cette condition est : « Ne jamais activement nuire à tes origines ».
Il n’est pas dit ici que l’on doit, dans une quelconque position d’influence, favoriser son pays d’origine ou celui de ses parents. Il est uniquement demandé à un expatrié ou enfant d’expatriés de s’atteler à ne pas nuire activement à ce pays, à ce continent-là dont il porte en lui l’héritage.
Le passage du Franc CFA (UMOA) à la monnaie dite Eco
Jean-François Mbaye n’a pas fait que voter en faveur du passage du Franc CFA à la monnaie dite Eco à l' »Assemblée Nationale » (Chambre basse du Parlement français).
Il est surtout l’un des députés de la Majorité Présidentielle, qui ont publiquement et ardemment défendu cette décision dans les médias.
Interrogé par une radio du service public français sur la question, le jeune député d’origine sénégalaise a tenu à marteler avec une rare franchise et froideur entre autres ceci :
« Au-delà de venir soutenir l’économie de la sous-région, il y a aussi bien évidemment, et je le dis sans langue de bois, nos intérêts à préserver notamment des grandes entreprises qui ont l’habitude d’être dans cette zone-là.
« Et donc effectivement, il y a certainement une volonté aussi de préserver une monnaie qui est assez stable pour permettre des échanges aussi de nos entreprises françaises qui sont basées à l’étranger. »
En un autre lieu, il met en cause l’inaction et le mutisme des « amis parlementaires africains ». Il dit entre autres :
« Le comité interparlementaire de la zone UMOA ne se saisit même pas de cette question. La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest ne se saisit même pas de cette question. On ne peut pas faire de reproches à la France, on marche sur la tête !
« Quand vous avez un sujet aussi sensible, aussi important puisqu’on parle quand même de question de souveraineté monétaire, il me semble important que nos collègues et nos amis parlementaires africains puissent aussi débattre au fond de cette question. »
Le présupposé des réponses et son caractère cynique
Ces réponses ont toutes un seul et même présupposé, et il est cynique. Mais quel est ce présupposé, et en quoi repose son cynisme ?
- Le présupposé est : Les États africains membres de l’UMOA (Union Monétaire Ouest-Africaine) sont souverains. De ce présupposé on peut déduire avec raison que la banque centrale de cette organisation monétaire tout comme ses parlementaires sont indépendants. Aussi n’ont-ils à rendre compte à personne d’autre qu’aux peuples dont ils sont les mandataires.
- Le cynisme du présupposé : La souveraineté d’un État se manifeste à travers sa culture démocratique et l’existence de l’État de droit. Il est certain que ces deux conditions ne peuvent pas être suffisantes pour constituer le fait de la souveraineté.
- Elles sont cependant nécessaires. L’on peut ainsi se limiter à ces deux conditions, et poser la question de savoir si les États membre de l’UMOA sont souverains reviendrait à vouloir savoir si ces États sont 1) démocratiques, 2) des États où règne le droit.
Selon une enquête faite par Freedom House (ONG ProDémocratie), les États membres de l’UMOA seraient seulement en partie des démocraties. Le Mali et le Togo seraient les États les moins démocratiques de la zone monétaire avec des scores respectifs de 41/100 et 44/100.
On voit bien dans cette enquête que la majorité de ces États connaissent des reculs significatifs en matière de libertés publiques et de droits politiques. Le Bénin à lui seul a connu ces dernières années un recul considérable de – 13 points.
Qui est responsable de cette situation ?
L’on ne saurait prétendre que ces reculs sont le fait des populations qui, en théorie, sont en effet les mandataires des dirigeants de cette zone.
Car selon un sondage effectué par AfroBarometer, 7 Africains sur 10 considèrent la démocratie et la bonne gouvernance comme priorités du moment dans chacun de leurs pays respectifs. 81% rejettent la centralisation du pouvoir, 76% le parti unique, 73% l’État policier.
Mais d’où vient-il donc que des populations qui, manifestement aspirent à la démocratie et à l’État de droit, vivent dans des États avec de tels scores en la matière ? La réponse doit être cherchée du côté de la classe dirigeante et des dépendances extérieures auxquelles elle est soumise.
Quels sont les clauses des accords entre la République française et ces pays ? Quelle est la nature de ces clauses ? Quelles en sont les conséquences – du point de vue économique et sécuritaire ? Quelles en sont les conséquences politiques ?
Voici quelques questions auxquelles Jean-François Mbaye serait tenu de répondre dans un débat sain. Que l’on cesse en France de mettre en avant des ressortissants africains pour faire passer (auprès de l’opinion) des décisions abjectes et impopulaires de politique africaine.
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