CEDEAO au Mali : Le rapport de Mission du Médiateur

CEDEAO au Mali - Rapport

La Mission de la CEDEAO au Mali ayant pris fin, voici le rapport du Médiateur, le Nigérian Goodluck Ebele JONATHAN.

1. Un Sommet Extraordinaire de la CEDEAO s’est tenu le jeudi 20 août 2020 pour examiner la situation socio-politique au Mali caractérisée par l’arrestation du Président de Ia République, Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Kéita, par un groupe de militaires et son discours de démission prononcé le 18 août 2020.

2. Lors de ce Sommet Extraordinaire, ayant considéré cette démission comme forcée au regard des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, et après avoir examiné la Situation sur la base des informations disponibles, la Conférence a pris des décisions importantes et décidé d’envoyer une mission d’information urgente au Mali conduite par le Médiateur de Ia CEDEAO, S.E. M. Goodluck Ebele JONATHAN et comprenant notamment le Président du Conseil des Ministres et le Président de la Commission, avec pour mission d’œuvrer au retour rapide de l‘ordre constitutionnel.

3. La Délégation du Médiateur a séjourné à Bamako du samedi 22 au lundi 24 août 2020 et a eu plusieurs rencontres avec les Responsables du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), l’organe militaire qui dirige le pays actuellement. La délégation du CNSP comprenait :

  • Col. Assimi GOlTA, Président du CNSP;
  • Col. Malick DIAW, Premier Vice-Président du CNSP ;
  • Col Modibo KONE, Troisième Vice-Président du CNSP ;
  • COL Major Ismail WAGUE, Porte-Parole du CNSP.

Des officiels du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération internationale du Mali ont également pris part à la réunion, notamment :

  • Le Secrétaire Général
  • Le Directeur du Centre Stratégique ;
  • Le Directeur du Département Juridique

4. Les Représentants de I’Union Africaine ne et des Nations Unies ont également participé à ces échanges. La Délégation de la CEDEAO a également rencontré les membres de la Cour Constitutionnelle nouvellement créée.

5. Lors de la première rencontre avec le CNSP, la Délégation de la CEDEAO a rappelé que le Mali est un pays membre de la CEDEAO et qu’elle est là pour aider le Mali à retrouver la paix, la stabilité et à normaliser l‘ordre constitutionnel.

I. Rencontre avec le Président Ibrahim Boubacar Kéita

6. La Délégation a posé comme préalable aux discussions, l’autorisation de rencontrer le Président Ibrahim Boubacar Kéita. Cette autorisation a été immédiatement accordée et Ia Délégation a pu s’entretenir avec le Président Ibrahim Boubacar Kéita logé dans une résidence située au Camp Militaire de Kati.

Le Président Ibrahim Boubacar Kéita avait à ses côtés l’ancien Premier Ministre, Monsieur Boubou Cissé. D’entrée de jeu, le Président Kéita, après avoir souhaité la bienvenue à la Délégation, a remercié la CEDEAO pour le soutien accordé au Mali depuis le début de Ia crise et les évènements d’août 2020. Il a informé la Délégation qu’il était bien traité et a fait les observations suivantes :

  • Il a indiqué que sa préoccupation principale est la paix, la stabilité et la réconciliation au Mali et souhaite donc créer les conditions pour une véritable stabilisation du Mali
  • II a donc confirmé qu‘il maintenait la déclaration qu’il avait faite relative à sa démission en toute liberté et en son âme et conscience car il demeure convaincu que cette démission est nécessaire pour la paix et la réconciliation du Mali.  
  • Il a souhaité que le pays s’engage dans une transition politique afin de normaliser rapidement la situation pour que le Mal retrouve sa place dans le concert des nations.
  • II a indiqué que cette normalisation permettrait de faire face aux défis que le Mali connait qui sont : le terrorisme, la COVID-19, et le développement économique et social.
  • Cette nouvelle direction est celle que le Mali doit prendre actuellement et souhaite que la CEDEAO puisse accompagner le processus.
  • Il a émis le souhait d’effectuer son contrôle médical hors du pays à la suite d’une opération chirurgicale et dont le délai est déjà dépassé.

7. Il faut souligner qu’à la fin de la mission, la Délégation a souhaité revoir une deuxième fois le Président Ibrahim Boubacar Kéita pour lui permettre de faire une déclaration en présence du Médiateur. Le Président Ibrahim Boubacar Kéita a demandé au Médiateur de confirmer au Sommet que sa déclaration était libre.

II. Situation des dignitaires détenus

8. Lors de Ia mission, les discussions avec le CNSP ont été focalisées autour de quatre (4) points :

a) Situation du Président Ibrahim Boubacar Kéita

La Délégation a évoqué la Situation du Président Ibrahim Boubacar Kéita en insistant sur sa libération et I’ amélioration de ses conditions. Après des échanges, un accord a été obtenu avec le CNSP sur les points suivants :

  • Le retour immédiat du Président Kéita à son domicile avec une sécurité appropriée conformément à son rang d’ancien Président de la République et avec accès au médecin de son choix.
  • La possibilité pour le Président Ibrahim Boubacar Kéita d’aller à l‘étranger pour ses contrôles médicaux aussi souvent qu’il le souhaite et conformément à l’avis de ses médecins. La durée du premier voyage à l’étranger qui interviendra dans un délai de trois semaines, sera limité à un mois sauf, avis contraire de ses médecins. Lorsque le nouveau gouvernement sera en place, s’il est nécessaire pour le Président Kéita d’être présent à Bamako pour des questions diverses, Ia CEDEAO s’engage à garantir son retour à tout moment.
b) Situation des autres dignitaires détenus

Le Premier Ministre Boubou Cissé, le Président de l’Assemblée Nationale et les Ministres de Ia Défense at de la Sécurité, tous les deux militaires, sont présentement détenus.

  • Concernant les deux premiers, à savoir le Premier Ministre et le Président de l‘Assemblée Nationale, le CNSP a indiqué que ceux-ci étaient gardés pour leur propre sécurité, et qu’ils seront libres de regagner leur domicile dès que Ia tension aurait baissé.
  • Concernant les deux autres tous deux Officiers Généraux, ceux-ci ont décidé de se mettre volontairement sous Ia protection des militaires compte tenu des risques de violence liés aux manifestations.  

III. La Transition Politique pour un retour à l’ordre constitutionnel normal

La Délégation de la CEDEAO a évoqué le point de la transition politique dans le contexte de la démission du Président de la République, de la dissolution de l’Assemblée Nationale et du maintien de la Constitution du Mali.

10. Le CNSP a présenté son schéma de la transition politique dont les grandes lignes sont les suivantes :

  • mise en place de toutes les composantes civile et militaire du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) ;
  • le Président actuel du CNSP sera le Président de Ia Transition ;
  • désignation d’un Premier Ministre de consensus à l’issue des concertations;
  • mise en place d’un gouvernement restreint avec des civils, technocrates et militaires sans antécédents judiciaires ;
  • préparation des élections générales et la refondation du pays dans toutes ses composantes, tenant compte des conclusions du dialogue national inclusif et des Accords d’Alger ;
  • une période de transition de trois ans couvrant le reste du mandat du Président Keita qui devrait finir en 2023 ;
  • le Président de la Transition et le Premier Ministre de la Transition ne pourraient pas être candidats aux élections générales.

11. Le Médiateur de la CEDEAO a rappelé aux Responsables du CNSP les principes qui soutendent la dévolution du pouvoir dans l’espace CEDEAO. La Délégation de la CEDEAO a réaffirmé que I’organisation régionale n’acceptera pas qu’un militaire en service dirige le gouvernement de transition.

La CEDEAO n‘acceptera que si le Président et le Premier Ministre sont des civils. En outre, par rapport à la durée de la transition et, conformément à l‘expérience dans Ia sous-région CEDEAO, cette transition ne saurait dépasser douze mois. Il a donc invité le CNSP à prendre en compte ces observations.

12. Suite à des échanges, le CNSP a fait une contre-proposition réduisant la durée de Ia Transition a deux ans et indiqué que le Président de la Transition pourrait être un civil ou militaire. La Délégation de la CEDEAO a indiqué qu’une transition d’une durée maximum d’un an était essentiellement pour assurer la crédibilité du processus au Mali.

13. Le Médiateur a conseillé au CNSP de consulter la Cour Constitutionnelle afin qu’elle le guide dans la mise en place du gouvernement de transition.

14. Le Médiateur a également constaté que l’utilisation du nom CNSP ne serait pas I‘idéale car ayant une connotation militaire. Il leur a conseillé d‘adopter un nom plus civil.

IV. Les sanctions

15. Le CNSP a souhaité le retrait des sanctions, en particulier celles qui touchent les flux financiers et bancaires. La Délégation de la CEDEAO a indiqué que les décisions concernant le retrait ou non des sanctions appartenaient aux Chefs d’Etat et de Gouvernement. Il appartient au CNSP de donner des gages sur un retour à la normalisation politique rapide à travers un processus crédible. Cela faciliterait le processus de retrait des sanctions.

16. La Délégation de Ia CEDEAO a indiqué en conclusion qu‘elle rendra compte à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement qui prendra des mesures adéquates et idoines pour aider le Mali à sortir de cette Situation.

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MUNTUNEWS
La rédaction

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